Le Kilauéa
Je quitte la plage et rentre dans le Parc National du Volcan, biotope de prédilection de la bernache nēnē, espèce endémique. C’est l’animal/oiseau officiel de l’état.
Premier site du parc que je visite, les moulages de troncs.
Les vieux et grands arbres résistent un peu au feu de la lave avant de se consumer. En perdant leur eau ils refroidissent la lave autour d’eux, formant une épaisse coûte en surface, avant de finir par s’assécher et se consumer complètement sous la chaleur. Ce moule persiste dans le temps. Et est parfois recolonisé par un nouvel arbre !
Puis je me rends au centre d’accueil du Parc…
C’est la loose !
Si j’aurais su j’aurais pas viendu ! 😅
Bon tant pis pour la rando nocturne avec la lave rougeoyant dans l’obscurité…
Comme me dit une copine :
« Purée ça fait des années et des années qu il crache de la lave en permanence et quand tu viens y’a plus !!! Mais c’est quoi ça ! Remboursez 😂 »
Pour bien me vexer, il reprendra son activité un mois après mon départ en décembre, avec une éruption spectaculaire formant un lac de lave d’environ 1,5 km de diamètre, parcouru de veinules rougeoyantes dans la nuit… Exactement ce pourquoi j’étais venu ce jour-là, espérant faire une rando nocturne pour voir ce spectacle unique.
Là il dort. Dernier renvoi un peu timide : septembre 2023. Il digère bien à ce moment-là… il dort le Smaug. Rien à voir. Enfin, rien en fusion, de visible.
Au printemps la caldera s’est quand même effondrée à plusieurs endroits, genre 10-15m de descente. Ça vit en dessous, ça palpite à la surface.
Ensuite, comme toutes ces îles volcaniques en zone intertropicale, vous avez une côte au vent et une côte sous le vent. pour ceux qui connaissent : comme à La Réunion.
Celle qui reçoit les alizés et bloque les nuages a les grosses vagues et est copieusement arrosée.
L’autre bénéficie d’un climat plus sec, plus chaud (foehn), et d’un océan plus plat.
Kailua-Kona est sous le vent.
Bien protégée même puisque le Mona Kea culmine à 4207m au milieu de l’île avec son frère le Mauna Lea (4169m), avec neige et froid et tout et tout.
Kona c’est un peu comme St Gilles à la Réunion…
Tout ça pour dire que, quand on commence à tourner autour de l’île, il ne faut pas se fier à la météo de son point de départ… Huh huh… My mistake.
Je m’attendais à du 30°, soleil de plomb, j’ai eu 18°, grand vent, crachin, et vraie pluie bien cognée. Toute la journée.
Déjà à la Plage de Sable Noir ça soufflait fort. Mais j’étais au soleil. En arrivant au volcan : nuages/brouillard, crachin voire pluie battante dans les rafales.
Donc acquisition d’un magnifique poncho biodégradable siglé Parc National au Centre d’information (ils ont l’habitude des crétins de touristes), qui ne me quittera plus jusqu’à la fin de la journée.
Donc je vous ai déjà montré les arbres « moulés « …
Puis un petit passage aux souffleurs de dioxyde soufre et aux belvédères sur la grande caldera du cratère principal du Kilauéa. Là on se rend compte de son immensité : plusieurs km de diamètre (4km de long sur 2km de large), et la spécificité du volcan de type hawaiien : la lave très fluide s’étale et rechigne à monter et former un cône volcanique typique de nos représentations familières.
Petit passage aux souffleurs de dioxyde soufre et aux belvédères sur la grande caldera du cratère principal du Kilauéa. Lors de l’éruption de décembre 2024 (donc après mon départ 😢), d’énorme quantités de SO2 seront expulsées, gaz irritant et formant des geysers de lave hyper-spectaculaires (80m de haut) la nuit.
Comme l’explique un guide à un groupe près de moi : les fumées blanches sur la caldeira sont surtout de l’eau à cause de la pluie ce jours-là. Le soufre donne plutôt dans le bleu (en composé gazeux) et son dégagement est plus modeste. Donc pas de bol, toute cette vapeur d’eau me voile – et me vole — le paysage.
Entre deux épisodes nuages/bourrasques, depuis le belvédère, on arrive quand même à contempler la caldeira dans la trouée d’une éclaircie. Et soleil + pluie… ouiii ! On a même droit à un magnifique arc-en-ciel !
Puis je vais au lieu des randos/balades. Près du Iki Kilauea, un cratère secondaire. Recommandé — après une longue discussion — avec une ranger du Parc National.
Juste avant de repartir, je croise un triathlète allemand. 5cm plus grand que moi, 70 ans l’air d’en avoir 55… C’est parti pour une autre (trop) longue discussion (non je ne suis pas bavard), Piqué par des méduses pendant la course… Ils se sentira très mal pendant le marathon à cause de ça mais finira. Loin de ses espérances. 14h contre 11h il y a deux ans…
Le Kilauea Iki — Petit Kilauea
Kīlauea est un toponyme hawaïen pouvant s’écrire ou non avec le macron kahakō « ¯ » indiquant un allongement du son de la voyelle « i ». Comme dans nēnē « nèènèè » (Wikipédia : où on apprend ce qu’est un macron 😅).
Sur la carte : petite caldeira, et une rando possible en balcon sur le bord est, dans une forêt tropicale. Il pleut, mais je suis déjà trempé par les rafales…
Allons-y pour la rando en balcon autour du cratère…
J’avais préparé une tenue de rando « grandes chaleurs », elle restera dans le sac !
De plus les 2 / 3 premiers petits trucs visités dans le vent et le crachin m’ont vite trempé ma tenue « civile » alors je me suis dit que ça serait bien d’en garder une au sec…
Fougère uluhe et orchidée bambou
Je « tombe » sur un faisan près d’un belvédère, pas farouche, je panique un peu et prends une photo pas terrible…
Femelle de Kalij pheasant – faisan leucomèle, espèce d’Inde introduite à Hawai’i.
L’avantage de la lave, surtout en gravillons, c’est que même trempée par les pluies tropicales ça ne fait pas de bouillasse, ça draîne, et ça c’est cool pour marcher vite et sûrement. Nota bene.
Donc je fais mes 5km, parsemés de belvédères offrant la vue sur le cratère et sa caldeira, et qu’est-ce que j’aperçois dans le fond par moments : des gens qui marchent dans le fond, SUR la caldeira.
Chose impossible sur le grand frère, elle reste trop chaude…
⚙⚙⚙🌟💡
🤔 😜 Arrivé au bout, je vois le départ du sentier qui plonge dans le fond… et décide de rentrer par là.
Il est 17h10, 2,4 miles ~~ 4km, ça se fait. Je dois pouvoir taper 5 km/h avec les bâtons, et la nuit tombe à 18h00.
Arrivé dans le fond, il suffit de suivre les cairns aperçus depuis la corniche. J’entame la descente.
L’ambiance, dans le crépuscule naissant, est irréelle.
Par endroit la croûte a éclaté sous les mouvements de pulsation de la poche magmatique. Après une première partie (1/4 de la distance) trèèès… rocheuse (? Oui c’est con comme qualificatif quand on marche sur de la lave, mais je veux dire accidentée, rugueuse, chaotique) où je suis loin de tenir mes 5 km/h, peinant à distinguer les cairns dans ce paysage accidenté, je bascule dans un océan de crème grise figée dans des vagues ridées, parfois éclatées par en dessous, parfois largement fissurées.
Des oiseaux chantent un peu partout et leurs cris résonnent dans ce cirque immense battu par la pluie qui vient de se mettre à tomber dru…
Un peu de végétation clairsemée. Certainement des bernaches nēnē nichent ici mais je ne les vois pas.
Je trace ma route à grand pas nerveux, parce que je sais que mes deux looongues discussions (ranger et triathlète) ont compromis mes chances de finir à la lumière du jour. mais je ne peux pas m’empêcher de m’arrêter pour écouter, contempler, et parfois photographier.
Mes bâtons de marche m’aident bien à tracer entre ces pauses.
Je ne me suis pas trompé : au moment où j’arrive au pied du mur du fond du cratère la nuit tombe.
J’entame mon ascension dans une jungle dense, une quasi obscurité, et une ambiance sonore saturée par le clapotis des gouttes de pluie sur mon poncho, les grandes feuilles environnantes et les cris d’oiseaux avec je discute quand j’ai assez de souffle. Oui je discute : je siffle, ils me répondent ! J’adore !
Pas de précipitation (hahaha 🌧) dans ces conditions (solitude, obscurité, pluie…), bâtons biens assurés, bien lever les pieds, ca ne glisse absolument pas (vive le gravier), on distingue dans la pénombre le gris foncé du sol de gravier de lave du noir des racines et des nez distants des marches en pierre de lave.
Je finis par sortir du cratère dans la nuit noire, sur un parking vide, à 800m de mon point de départ (je n’ai presque plus de batterie mais je sais qu’il faut aller à gauche)… pas de répit j’entame la marche sur la route sous la pluie, bien à gauche. Quelques voitures surgissent dans mon dos et dans l’obscurité, me doublent sans ralentir ni me proposer un coup de main. De toute façon je suis bien visible dans mon poncho blanc de touriste. Quelques abrutis klaxonnent rageusement alors que la route fait 6m de large. Aucune ne s’arrêtera pour me proposer son aide.
J’arrive à ma charrette solitaire sur son parking, trempé tel une serpillière humaine. Heureux d’avoir toutes mes autres affaires sèches dans le coffre.
J’ai de la nourriture et de l’eau.
Je me change. Il est 19h, ça fait 1 heure qu’il fait nuit.
J’ai 2h de route à faire dans l’île noire pour retrouver mes pénates.
Pour clore l’épisode volcan et la météo des îles tropicales : je suis parti du Kīlauea à 19h, 18°, pluie battante.
Je suis arrivé à Kona à 21h : 26°, ciel dégagé.
CQFD
C’est le soir d’Halloween. La maison de mes voisins est à fond,
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